Les Commodores

Polly, comme tous les Minks, a toujours connu les discriminations subies par les siens. Si beaucoup d'entre eux se sont tournés vers la Révolution pour faire entendre leurs droits, Polly, elle, semble aborder la chose différemment. Bien que partageant de nombreuses idéaux avec la Révolution, notamment l'égalité pour tous, la jeune Mink choisit, au lieu de combattre le Gouvernement Mondial de front, de le faire évoluer.
Ainsi, des années durant, elle s'entraîna dur pour rejoindre la Marine, essuyant les refus et les échecs. Elle le savait, le chemin serait long et dur pour prouver sa valeur, bien plus que pour les humains. Mais rien ne l'arrêtait, et chaque moquerie, chaque humiliation qu'elle encaissait la rendait plus forte et déterminée. Elle renfermait sa souffrance, se convaincant que sa bataille, sa quête de reconnaissance, finirait par porter ses fruits. Un jour, les Minks seraient reconnus comme égaux des Hommes.
Et Polly fit bien : à l'heure de la chute d'Impel Down, des forces armées furent envoyées récupérer les prisonniers. Polly s'en alla chasser l'homme, et fit partie de ceux qui en rattrapèrent le plus. Des anciens prisonniers mais aussi de nouveaux, des criminels de basse et de haute envergure. Sa bravoure et son efficacité à la tâche furent en partie récompensé : si sa vaillance aurait dû lui valoir un poste en tant que contre-amirale, elle réussit tout de même à être promue Commodore. Une grande ascension pour une simple Mink.

Polly est une navigatrice hors-pair, grâce à son sens de l'orientation de l'observation affûté. Bien qu'intérieurement épuisée par sa quête d'égalité et de justice, la demoiselle se montre toujours à la hauteur des attentes de ses supérieurs, toujours déterminée à éradiquer le crime. Elle reste intimement convaincue qu'il est possible de faire valoir à la fois les principes de la Révolution, l'égalité notamment, et ceux du Gouvernement Mondial, la justice absolue.
Obéissante aux ordres de ses supérieurs, parlant toujours en leur nom sans évoquer ses propres idées, elle se montre toujours droite, sérieuse, bien qu'incapable de cacher sa bonté naturelle. D'ailleurs, elle ne peut s'empêcher de faire entendre un doux ronron lorsqu'elle apprécie quelqu'un ou quelque chose.

Toute la vie de Jean fut terne, morne, sans saveur. Qu'il s'agisse de sa taille, de son poids, de ses relations sociales et intimes, de sa famille même, tout était moyen. Petit, tous ses examens obtenaient, sans surprise, 10/20. Lorsqu'il riait, il n'était réellement qu'à moitié amusé par l'histoire qu'on lui racontait, et lorsqu'il pleurait, une demie-part de lui se demandait ce qui le rendait triste. La seule chose entière, chez lui, c'était la pleine conscience qu'il avait de la médiocrité de sa vie. Et ça, c'était affligeant. Ainsi, alors qu'il venait d'entamer sa vie adulte, il décida de rompre la monotonie qui le régissait en s'engageant dans la Marine. Il espérait y découvrir le défi, la crainte, l'adrénaline, l'aventure en somme ! Pourtant, durant de longues années, il resta un soldat moyen, à qui l'on ne reprochait rien, mais qu'on ne félicitait jamais non plus.
Un beau jour, pourtant, la chance lui tendit les bras. Il arrêta à lui seul un groupe de faussaires dans lequel il s'était infiltré. La mission fut simple et rapide : tandis que Jean lui exposait la comptabilité de l'entreprise frauduleuse, les bandits, achevés par l'ennui, s'endormirent. Jean n'eut qu'à leur passer les menottes et appeler des renforts. Grandi par une promotion, Jean connut alors une propulsion vers les hauts rangs de la Marine, jusqu'à atteindre le rang de Vice-Amiral. Lui, Jean Forgeron, qui n'avait jamais espéré pouvoir faire quelque chose de sa vie, peinait à y croire. Pour fêter cela, il but avec ses soldats cinq journées entières... avant d'être appelé pour une nouvelle mission. Evidemment, peu habitué aux plaisirs honteux de l'alcool, trop saoul pour être ennuyant à vouloir s'en tirer une balle, il échoua. On lui laissa le bénéfice du doute, mais il était trop tard. Maintenant qu'il avait goûté à la vie, Jean ne pouvait plus s'en passait. Il buvait, était heureux, ou triste, selon ce que lui dictait le breuvage, mais il avait trouvé des couleurs. Il essuya échec sur échec, et se vit défait de ses fonctions. Dans l'espoir de retrouver le bon vieux Jean dont les services avaient honorés la Marine, il fut seulement rétrogradé au rang de Contre-Amiral. Peu de temps après, dans sa chute vers la déchéance, il fut désigné Commodore. A présent, nulle doute qu'un nouvel échec le fera encore descendre en grade. Le vieillard est d'ailleurs en bonne route pour cela, puisqu'il ne s'arrête plus jamais de boire, peut-être pour oublier le désastre de sa vie. Mais au moins, il est heureux ainsi, et semble toujours prêt à festoyer avec qui le veut bien. Bon vivant, son hospitalité un peu empreinte d'ivresse le rend très sociable. Trop sociable, puisqu'il lui arrive régulièrement de partager un verre avec des ennemis du Gouvernement. Cependant, gare à ce qu'il ne le découvre pas : la colère d'un ivrogne trahi est terrible. Bien qu'il ait oublié comment se servir d'un sabre ou d'une arme à feu, le vieux commodore a une réserve de bouteilles vides qu'il transforme en cocktail Molotov ou débris tranchants, selon la vengeance qu'il voudra se payer.